Lallemand dédie une journée à sa bactérie lactique

Le 04/09/2022 à 15:24 par La rédaction

Après avoir repoussé durant deux ans son rendez-vous technique, Lallemand a pu partager les nouveautés concernant son probiotique historique pour monogastrique (porcs et volailles), les 21 et 22 juin à Saint-Brévin-les-Pins.

Yann Rospars, responsable commercial, a introduit ces sessions, les 21 et 22 juin à Saint-Brévin-les-Pins, dédiées à l’utilisation de la bactérie lactique vivante, commercialisée sous le nom de Bactocell chez le porc et les volailles. Deux ans après la planification de ces journées techniques, Yann Rospars rappelle les nouveaux défis en élevage, tels que le bien-être animal, l’environnement et l’augmentation des coûts des matières premières, qui accroissent le besoin de valoriser au mieux l’alimentation. Audrey Sacy, de l’équipe R&D monogastrique, a présenté la santé et l’inflammation intestinale chez le porc et les volailles.

La microflore, l’intégrité intestinale et le confort intestinal sont les trois piliers essentiels de la santé intestinale : lorsque les constantes physiologiques de ces trois composantes se maintiennent à une valeur optimale, l’état d’équilibre obtenu est appelé homéostasie. Audrey Sacy rappelle qu’« aujourd’hui, de nombreux facteurs peuvent perturber l’écosystème digestif de l’animal, donc son homéostasie et générer une inflammation ». L’état inflammatoire peut conduire à des dysbioses, des infections secondaires, des troubles du transit, qui peuvent entraîner la mortalité et la contre-performance. L’organe digestif héberge 70 % de l’immunité totale d’un individu. Chez le porc, les cellules immunitaires sont retrouvées principalement au niveau de l’iléon (plaques de Peyer, ganglions mésentériques…) : c’est le système immunitaire mucosal. Lors d’un état inflammatoire élevé, certaines bactéries anaérobies facultatives, notamment des protéobactéries, parmi lesquelles des opportunistes et/ou des pathogènes (ex : E. coli), peuvent tirer avantage de l’oxygène relargué dans la lumière intestinale en cette occasion.

La bactérie lactique probiotique, Pediococcus acidilactici MA 18/5M, est commercialisée pour une utilisation en alimentation liquide des porcs depuis 1994, avec une reconnaissance de bénéfice double : hygiène de la soupe et santé intestinale du porc. C’est une petite bactérie ronde d’environ 1 mm qui n’est jamais seule, mais toujours par paire ou tétrade. Elle est anaérobie facultative, c’est-à-dire qu’elle n’a pas besoin d’oxygène pour vivre, mais peut résister en sa présence. Elle peut être administrée à de nombreuses espèces : en production porcine pour le porcelet et le porc charcutier, à toutes les espèces de volailles et un dossier européen vient d’être soumis pour une application spécifique chez les abeilles. Elle est également utilisée comme probiotique chez l’être humain.

Yannig Le Treut, directeur général.

Intérêt sur le porc

Des bactéries organisées en biofilm sont présentes dans les machines à soupe. Ces bactéries se nourrissent des nutriments présents dans les soupes. Les biofilms peuvent héberger des bactéries indésirables et pathogènes. Yannig Le Treut, directeur général, indique : « la bactérie lactique colonise très rapidement. En cinq jours, le biofilm de la machine à soupe est stable et rééquilibré ». Comme son nom l’indique, la bactérie lactique a la capacité de produire de l’acide lactique. Une fois ingérée par les porcs, elle a un effet probiotique dans l’intestin, elle résiste au pH de l’estomac et ne produit pas de CO2 : elle va utiliser les sucres que l’animal n’utilise pas. « La bactérie lactique a un effet sur la valorisation énergétique de l’animal. » Pierre Lebreton, responsable technique et marketing monogastrique, déclare : « nous constatons que le Bactocell s’active très rapidement. Il va modifier l’efficacité de la muqueuse intestinale, avec une meilleure capacité d’absorption, un meilleur transport des nutriments, permettant une meilleure couverture des besoins de l’animal et modifiant son comportement alimentaire ».

Sur le développement intestinal, des études ont montré que la bactérie pouvait améliorer de 27 mm les villosités de l’iléon, ce qui permet de potentialiser la capacité d’absorption et la qualité de la muqueuse intestinale. Cela entraîne une amélioration de la digestibilité iléale de 4 %, donc moins de nutriments digestibles se retrouvent au niveau fécal. Pour autant, il est noté une amélioration de 1,3 % de la digestibilité d’énergie au niveau fécal.

La dose technique recommandée est de 1 × 106 UFC/g d’aliment ou 100 g de Bactocell/t d’aliment. L’utilisation de cette souche probiotique sur les génétiques modernes permet à la fois d’optimiser l’ingéré alimentaire et sa régularité, mais aussi d’améliorer la croissance et l’indice en engraissement. L’application de Bactocell apporte, de surcroît, une résilience améliorée face à certains défis de l’engraissement (nervosisme, entrotoxémie, etc).

Pour la poulette

Yannig Le Treut, explique : « l’une des raisons pour lesquelles nous avons sélectionné cette bactérie est qu’elle produit de l’acide lactique et uniquement de l’acide lactique ». Comme chez le porc, cette bactérie résiste au pH de l’intestin des volailles et ne se multiplie pas dans le tube digestif : il faut l’apporter tous les jours. L’acide lactique entraîne, localement, un gradient de pH dans le mucus, qui va être la barrière de protection contre les bactéries Gram- indésirables. La bactérie va réduire la viscosité dans le tube digestif, et donc entraîner une meilleure absorption des nutriments, ainsi que dans le lisier, ce qui est efficace pour réduire - ou maintenir à des niveaux tolérables - les taux d’ammoniac produits par la litière. Concernant la flore intestinale, des oiseaux qui reçoivent la bactérie à partir de l’éclosion ont une installation plus précoce de lactobacilles dans leur microbiote intestinal.

Audrey Sacy présente des études chez la poulette. Un essai sur 29 jours, avec un lot d’animaux témoins, un lot d’animaux infectés avec des pathogènes responsables de la coccidiose et un dernier lot infecté avec les mêmes pathogènes, mais supplémenté avec la bactérie lactique. Au jour 15, on observe déjà l’effet probiotique de la bactérie avec une augmentation du poids des poussins et une amélioration de l’IC. Après le challenge, le lot ayant reçu la bactérie performe aussi bien que le lot témoin non contaminé. Des études in vitro sur boîte de pétri, montre l’action directe du probiotique sur les bactéries pathogènes. La solution probiotique s’avère être un outil efficace pour l’entérite nécrotique, via la modulation de la santé intestinale et de l’immunité. Audrey Sacy ajoute : « nous avons fait une investigation sur deux autres critères : les scores lésionnels et les populations de Clostridium perfringens ». Quelle que soit la période, des réductions significatives des lésions intestinales et du portage en Clostridium sont rapportées. Mathieu Castex, directeur R&D, informe : « nous avons une modélisation qui vise à intégrer les données de métagénomiques disponibles ainsi que les métabolites produits par le microbiote, afin de prédire la manière dont nos solutions orientent le microbiote et ses fonctions. Ce type d’outil, qui vise à modéliser les six compartiments du tractus intestinal, permettrait d’adapter les rations, l’utilisation des probiotiques et ainsi d’optimiser l’efficacité alimentaire des volailles de chair ».

Selon Serge Soler, responsable des ventes et support technique volaille, « pour avoir une efficacité sur les performances techniques, il faut mettre la bactérie du début à la fin ». Des résultats montrent que le probiotique permet d’atteindre des objectifs de poids et d’homogénéité avec moins d’aliment : une diminution de consommation d’aliment par poulette (193 g sur le premier essai, 205 g sur le deuxième et 60 g sur le troisième) et des IC (0,24 point sur le premier essai, 0,05 point dans le troisième). Il a pu être observé une diminution de la mortalité. Un dernier essai consistait, à l’aide d’un échographe, à mesurer l’épaisseur du muscle du bréchet, qui s’avérait être plus développé en moyenne de 50 % chez les poulettes ayant reçu le probiotique, ce qui traduit d’une meilleure efficacité alimentaire. « À même poids, nous avons une épaisseur du muscle du bréchet plus épaisse et une baisse d’IC de 0,06 point, une augmentation d’homogénéité de 4 % et une diminution de la mortalité de 71 % », informe Serge Soler. Les fientes se sont trouvées plus moulées. La récupération de litière pour mesurer la concentration en ammoniac a montré une réduction de 84 % des émissions d’ammoniac. Mais Serge Soler reste objectif : « ce protocole in vivo/in vitro permet de mesurer une valeur relative de réduction des rejets d’ammoniac. Les sacs concentrant les gaz, les valeurs absolues ne sont pas celles ressenties dans le bâtiment ».

Pour le retour sur investissement, Serge Soler a fait ses calculs : « pour 15 000 poulettes, l’investissement dans la bactérie a représenté au global 370 €, le gain en efficacité alimentaire représente une quantité de 525 kg d’aliment. À ce premier stade, ce sont déjà 315 € d’économie réalisés, presque le coût du Bactocell ! De plus, gardons en tête la faible mortalité, qui a permis de récupérer 331 poulettes. Sur le marché d’aujourd’hui cela représente 2 648 €. Le gain de mortalité paye huit fois le coût du probiotique ! » Il reste néanmoins important d’incorporer la bactérie sur toute la période d’élevage, pour une meilleure homogénéité du lot et un meilleur développement du muscle pectoral.

Serge Soler, responsable des ventes et support technique volaille.

Les poules pondeuses

Audrey Sacy a, par la suite, présenté les résultats d’essais chez la poule pondeuse. Des analyses d’épaisseur du muscle pectoral montrent les mêmes résultats que chez la poulette : une meilleure valorisation de l’aliment en muscle. Au niveau du taux de ponte, après huit semaines d’essai, l’effet probiotique est visible : « On note une amélioration du taux de ponte de 3,6 % chez le témoin, 14,5 % chez le Bactocell et presque 7 % chez les autres technologies Bacillus », déclare-t-elle. Le poids des œufs est amélioré avec la bactérie. En termes de composition des œufs, pas de différence rapportée, mais le critère le plus significatif est la solidité de la coquille : 1,4 % d’œufs cassés issus de poules probiotiques contre 6,9 % d’œufs cassés pour celles n’ayant rien reçu. Avec la bactérie lactique, ils sont plus durs à casser au test de fracture, tout en restant flexibles à la déformation (plasticité de l’œuf). Il y a également une amélioration de la coloration du jaune d’œuf.

« Nous avons complété nos analyses par le suivi du microbiote fécal par séquençage, afin d’évaluer l’impact de la bactérie sur la diversité du microbiome, illustrant la richesse du microbiote ainsi que son équilibre, mesurés par l’index de Shannon. Le probiotique permet d’améliorer cet index et les abondances relatives en bactéries bénéfiques. Enfin nous notons une diminution des protéobactéries et des Enterococcaceae chez les poules à 80 semaines d’âge », explique Mathieu Castex. Un marqueur de l’inflammation est la calprotectine. Les cellules immunitaires se rendent sur le site de l’inflammation et libèrent la calprotectine qui va être retrouvée dans les fientes. Audrey Sacy développe : « en ramassant les fientes et en détectant la calprotectine, on peut savoir s’il y a une inflammation aiguë de l’intestin ». Chez les animaux ayant reçu le probiotique, on retrouve deux fois moins de calprotectine dans les fientes, après un challenge intestinal. Enfin, à la suite d’une toute nouvelle étude sur des poules âgées, réalisée par une équipe coréenne spécialisée dans la minéralisation des coquilles, « nous avons remarqué une augmentation du taux de ponte et le poids d’œuf a été amélioré de 50 g, tout en permettant de réduire le nombre d’œufs déclassés de 40 %, bien que la situation soit déjà proche de l’optimal ».

Concernant les minéraux impliqués dans le processus de minéralisation, dans ce même essai, le probiotique améliore de 4,2 points le niveau de rétention du phosphore et de 4,1 points celui du calcium. De plus, le calcitriol, qui contrôle le métabolisme du calcium, du phosphore et l’ostéocalcine (marqueur de la minéralisation), se voit également augmenté. « Mais cela se fait-il au détriment de la croissance de la poule ? questionne Audrey Sacy avant de poursuivre. La réponse est non ! Nous avons obtenu une amélioration de la concentration des minéraux de 2,3 points dans les os des poules. Ainsi, l’amélioration de la qualité de l’œuf ne s’est pas faite au détriment des os, qui se sont révélés être plus solides au test de fracture. » Serge Soler confirme les essais présentés par Audrey Sacy par des observations terrain : « nous avons constaté une amélioration de 3 % sur le taux de ponte et nos essais terrain mis en place le démontrent. Nous améliorons également l’IC et la mortalité avec, à titre d’exemple, un taux de 5,27 % au lieu des 7 % observés récemment chez un éleveur ».

Serge Soler insiste et résume : « les premiers signes qui indiquent que le probiotique fonctionne sont les fientes bien moulées, gage d’une bonne digestibilité et d’un bon transit, ainsi que la baisse de mortalité. Ensuite, se manifestent les signes intermédiaires sur la deuxième période de ponte : il y a moins de déclassés, une récupération de la couleur du jaune de 0,5 point, notamment en bio. Les signes plus tardifs sont la diminution des taches de sang dans les œufs et le meilleur emplumement des poules. Nous avons eu un meilleur démarrage de ponte chez les poules qui avaient eu du probiotique en poulette, que celles qui n’en avaient pas eu. J’insiste sur le fait que, si le probiotique est appliqué dès le départ, nous observons une persistance de ponte qui est due à l’amélioration de la productivité et de la qualité de coquille ». Pierre Lebreton rappelle qu’en « transformant une partie des sucres non valorisés en acide lactique, la bactérie va permettre la fabrication de butyrate nécessaire pour intégrer le cycle de Krebs pour la formation d’énergie ».

Éva Marivain