Afrique : un continent à grand potentiel
Le marché des aliments pour animaux en Afrique est estimé à 15 milliards d’euros en 2017. Il devrait croître à une vitesse importante, pour atteindre 32 milliards en 2023. Avec une population croissante et le recul de la pauvreté, induisant une augmentation de la demande de produits alimentaires et en particulier de protéines animales, les investissements y sont en plein essor et les opportunités sont nombreuses pour les acteurs de la filière.

L’usine Sedima, à Dakar. Cette entreprise locale est devenue très prospère et est aujourd’hui l’un des leader du marché de l’alimentation des volailles en Afrique centrale. Crédit photo : Xavier Cadiou
Et si l’Afrique devenait le nouveau moteur économique du monde ? Alors que le continent n’hébergeait que 7 % de la population mondiale au début du XXe siècle et 16 % aujourd’hui (1,2 milliard d’habitants), l’Unicef (Fonds des Nations unies pour l’enfance) annonce qu’il devrait compter pour 25 % d’ici 2050, avec près de 2,5 milliards d’habitants, et 40 % d’ici 2100. Selon l’Ined (Institut national d’études démographiques), le Nigeria devrait, en 2050, être le troisième pays le plus peuplé du monde, avec 444 millions d’habitants, devant les États-Unis (400 millions).
La croissance économique du continent est également remarquable et affiche un rythme quasiment deux fois plus élevé que celui de la population. Six des dix pays ayant connu la plus forte croissance dans le monde ces cinq dernières années sont en Afrique, notamment le Nigeria et la Côte d’Ivoire. Elle est portée par la consommation, avec pour moteurs le recul de la pauvreté de la population (la richesse par habitant a crû de 3,5 % par an depuis une décennie), la formation d’une classe moyenne significative et l’urbanisation de la population.
Cette « révolution économique » de l’Afrique est indissociable de la mondialisation. Elle est devenue un acteur commercial à part entière. Cette ouverture s’est traduite par la diversification des partenaires commerciaux, au premier rang desquels la Chine, qui est devenue son premier partenaire commercial (93 milliards d’exportations et 69 milliards d’importations), devant l’Inde et le Brésil. Les investissements internationaux ont doublé dans les années 2000 et progressent depuis de +30 % par an.
Et si son essor reste confronté à des problématiques intrinsèques (conflits armés, corruption, disparités, insuffisance des infrastructures, etc.), l’Afrique dispose désormais des moyens de le financer. Outre une épargne interne qui trouve désormais à s’investir localement, les financements africains se sont développés et professionnalisés avec l’apparition de véritables réseaux bancaires, la structuration des places financières (notamment à Johannesburg, Lagos et Nairobi) et l’afflux de fonds d’investissement souverains et privés.
Aliments vaches laitières et poulets de chair
L’ensemble de ces évolutions a un impact positif et significatif sur l’élevage et le marché des aliments pour animaux en Afrique. Comme au niveau mondial, la croissance de la population entraine une augmentation de la demande de produits alimentaires et en particulier de protéines animales. De même, l’augmentation du nombre de personnes appartenant à la classe moyenne signifie qu’un plus grand nombre de consommateurs a, en moyenne, plus d’argent à dépenser pour la nourriture (principalement de la viande et des œufs) qu’auparavant. Les politiques gouvernementales favorables à l’amélioration de la production animale et le développement des élevages à l’échelle industrielle stimulent aussi le marché des aliments pour animaux en Afrique. Ce dernier, estimé à 15 Md€ en 2017, devrait croître à une vitesse importante pour atteindre 32 Md€ en 2023.
Selon la dernière enquête mondiale Alltech (chiffres 2017), l’Afrique reste la région du monde qui connaît la croissance la plus rapide pour les aliments laitiers et les aliments pour poulets de chair. Elle est de +10 % pour les aliments laitiers, avec des pays tels que l’Afrique du Sud, le Maroc et le Zimbabwe montrant des augmentations significatives de leur production déclarée en 2017. La production d’aliments pour poulets de chair provient principalement de l’Égypte, de l’Ouganda et du Mozambique. Les petits pays tels que le Botswana et le Mozambique ont mené la croissance des aliments pour porcs, bovins laitiers, pondeuses et poulets de chair. En production porcine, de nombreux petits pays africains, en particulier le Kenya, la Tanzanie, le Mozambique, l’Ouganda et la Namibie, ont également enregistré des hausses. En moyenne, l’Afrique est la région la plus chère pour l’alimentation des porcs, des pondeuses et des poulets de chair. Alors que de nombreux pays africains ont montré une légère augmentation de la production d’aliments aquacoles, la région dans son ensemble était en baisse principalement en raison de la production d’aliments pour animaux plus faible en Égypte, qui a maintenant été dépassée par le Nigeria. La production d’aliments pour bovins est aussi en baisse, notamment dans des pays comme la Zambie et le Maroc.
L’Afrique du Sud représente la part de marché la plus importante sur le potentiel africain de l’alimentation animale. Par exemple, environ 70 % de la farine de poisson utilisée dans les aliments pour animaux à l’échelle nationale est produite en Afrique du Sud. Le marché du Kenya devrait croître à un rythme élevé en raison du grand nombre de têtes et de l’incidence accrue de plusieurs maladies du bétail (aliments médicamenteux). Le marché des aliments pour animaux de Maurice devrait lui aussi croître en raison de l’augmentation du nombre d’animaux d’élevage.
Investissements : du local à l’international
Le marché des aliments pour animaux se consolide en Afrique également grâce aux investissements, en plein essor en Afrique de l’Ouest et de l’Est principalement. Xavier Cadiou, d’Agri Réseaux International, indique que ces investissements sont effectués aussi bien par les populations locales, les pays voisins, que les entreprises agroalimentaires internationales déjà implantées en Afrique ou à la recherche de nouvelles opportunités. « De nombreux pays sont impatients de créer une entreprise en Afrique ou de vendre leurs produits actuels (comme les additifs alimentaires). On s’attend donc à ce que, dans les années à venir, davantage d’entreprises agricoles prospèrent. »
Quelques exemples. En février 2018, la société américaine Seaboard Corporation, déjà leader de la meunerie sur les marchés d’Afrique anglophone, a investi plus de 300 millions d’Euros en Côte d’Ivoire et au Sénégal pour acquérir deux usines du Groupe Mimran, d’une capacité de production annuelle de près de 650 000 t de farine et de 110 000 t d’aliments pour bétail. De même, Olam, société basée à Singapour, a investi l’an dernier plus de 130 millions d’euros au Nigeria dans deux provenderies ultramodernes (d’une capacité de 40 t/h chacune), des fermes d’élevage de volailles, une exploitation piscicole et une écloserie pour produire des poussins d’un jour. Neovia est également devenu, en juin, l’actionnaire majoritaire de Hi Nutrients, entreprise leader sur le marché du prémix au Nigeria. Grâce à ce rachat, Neovia a indiqué s’implanter « sur le marché africain le plus dynamique en termes de croissance démographique et économique. Un marché prometteur ».
En juillet 2016, c’est Nutreco qui a acquis Advit, société sud-africaine spécialisée dans les prémélanges et les additifs alimentaires, dont le siège est basé en Afrique du Sud. Les acteurs du marché de l’alimentation animale en Afrique se lancent également dans la création d’usines d’aliments modernes, comme Feedmaster, en janvier 2017. Ce producteur namibien d’aliments pour animaux a investi près de deux millions d’euros pour la construction d’une usine dotée d’une capacité de production d’environ 140 000 t d’aliments par an. Actuellement, les principaux acteurs du marché des aliments pour animaux en Afrique sont Cargill, Nutreco, BASF, Koninklijke DSM, Novus International et Biomin. « Dans le domaine des prémélanges, des concentrés, des additifs alimentaires et de la distribution des produits de santé animale, les opportunités sont nombreuses, souligne Xavier Cadiou. Il y a un fort potentiel de croissance pour les 20 à 30 prochaines années en Afrique. »
Ermeline Mouraud